L’intérêt pour agir des requérants contre un permis de construire modificatif : le Conseil d’Etat renforce la sécurité juridique au bénéfice des porteurs de projets
L'intérêt pour agir des requérants contre un permis de construire modificatif : le Conseil d'Etat renforce la sécurité juridique au bénéfice des porteurs de projets
Dans une décision du 17 mars 2017 mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat a confirmé la jurisprudence récente (Cf. notamment CAA Nancy, 5 août 2016, req. no 16NC00993 et CAA Lyon, 8 mars 2016, req. no 14LY01495) en précisant que lorsqu’un requérant n’a pas contesté un permis de construire initial, son intérêt pour agir pour contester un permis de construire modificatif doit s’apprécier au regard de la portée des modifications apportées au projet initial et non au regard du projet dans son ensemble. Cette solution, dans la veine de l’évolution jurisprudentielle tendant au durcissement de la reconnaissance de l’intérêt pour agir en matière d’urbanisme, confirme la volonté de renforcer la sécurité juridique des porteurs de projets et de combattre les recours abusifs.
L’intérêt pour agir du requérant contre un permis de construire modificatif s’apprécie au regard de la portée des modifications apportées au projet initial
Le contexte jurisprudentiel de durcissement de l’appréciation de l’intérêt pour agir
L’évolution récente de la jurisprudence est venue circonscrire l’intérêt pour agir des requérants à l’encontre d’un permis de construire sur le fondement de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :
« il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occu-pation, d'utilisation ou de jouissance de son bien » (CE, 13 avril 2016, req. no 389798).
En d’autres termes, la seule circonstance que le requérant soit voisin de la construction attaquée ne suffit plus pour justifier d’un intérêt pour agir.
Un contrôle rigoureux de l’intérêt pour agir en matière de contestation de permis de construire « modificatif »
Dans l’hypothèse particulière où le permis de construire initial n’a pas été contesté par le requérant qui demande l’annulation d’un permis de construire modificatif, le Conseil d’Etat a précisé que :
« lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé » (CE, 17 mars 2017, req. no 396362).
L’intérêt pour agir pour contester un permis de construire modificatif doit donc s’apprécier à l’aune des seules modifica-tions apportées au projet initial et non au regard de l’ensemble du projet. Des modifications mineures du projet ne seraient donc pas de nature à conférer un intérêt à agir en l’absence de contestation du permis de construire initial.
Le renforcement de la sécurité juridique au bénéfice des porteurs de projets
Une décision en faveur de la sécurité juridique des autorisations de construire
Lorsqu’il n’a pas attaqué le permis de construire initial, le requérant qui conteste un permis de construire modificatif devra, pour être recevable à ce faire, démontrer en quoi les modifications autorisées sont susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien.
Cette solution renforce la sécurité juridique des porteurs de projets dans la mesure où elle vient sensiblement restreindre le champ de la « voie de rattrapage » qui s’offrait aux requérants ayant omis de contester le permis de construire initial dans le délai de recours contentieux.
De possibles contestations des requérants sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme
Si le raffermissement des conditions de l’intérêt pour agir contre les permis modificatifs apparaît cohérent avec la réforme du contentieux de l’urbanisme de 2013 (Cf. Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme), les praticiens sont désormais très attentifs à l’écho que cette évolution pourrait avoir dans les instances de « recours en riposte » entreprises par les porteurs de projets sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme en cas de recours manifestement dépourvu d’intérêt pour agir.
A noter :
La présomption bénéficiant au voisin immédiat ne le dispense pas de faire état devant le juge, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction contesté pour démontrer son intérêt pour agir.
L’illégalité du PC initial devenu définitif ne peut pas être invoquée à l’occasion de la contestation d’un PC modificatif (CE, 4 juin 1993, req. no 89371).
Concernant la contestation du transfert d’un PC devenu définitif, la CAA de Marseille a jugé que :
« le permis initial étant devenu définitif, l'administration ne peut légalement, à l’occasion d’une demande de transfert de permis de construire, remettre en cause la légalité de ce permis pour refuser son transfert » (CAA Marseille,
26 janvier 2015, req. no 12MA04334).
Il semble raisonnable de considérer que, mis à part le titulaire du PC, les tiers soient privés d’intérêt pour agir à l’encontre d’une simple décision de transfert de PC.